Ce petit conte est dédiée à ma fille adorée... parce qu'il n'est pas toujours facile de grandir... Je t'aime de tout mon coeur, ma belle chérie d'amour. Tu es aussi remplie de toutes les lumières que celles de toutes ces belles couleurs d'automne qui t'ont vu naître...

Caressé par la chaleur d'un petit rayon de soleil matinal, le petit brin d'herbe se réveilla doucement, il s'étira, faisant glisser la goutte de rosée déposée sur lui par la nuit jusqu'à ces racines pour le désaltérer.

Il se redressa un peu, essaya de voir le plus loin qu'il put mais il était si petit!
Tout autour de lui se dressaient des milliers de brin d'herbe! Des milliers de toutes les grandeurs et de toutes les grosseurs. Et lui, il était si petit! Il se redressa autant qu'il put mais rien à faire, il ne voyait pas plus loin, il était trop petit, pensa-t-il tristement.

Une petite brise passant par là s'aperçut du désarroi du petit brin d'herbe. Elle passa à raz de terre, couchant les plus grands brins d'herbe devant le plus petit de tous. Ainsi, il put voir...

- Oh!!! s'exclama-t-il, comme c'est grand et comme c'est loin!

En se redressant encore, tout près de lui, il aperçut une immense tâche grise

- Oh!! s'exclama-t-il de nouveau.

 La petite brise, amusée effleura doucement le brin d'herbe le faisant s'incliner légèrement vers l'arrière.

Les grands brins d'herbe autour de lui, attendris, restaient couchés pour permettre au tout-petit de découvrir son univers comme eux-mêmes l'avaient fait en leur temps.

Le petit brin d'herbe découvrit alors que, si la pétillante couleur verte des grands brins d'herbe autour de lui finissait par trancher dans la douce lumière bleutée du ciel tout autour, la couleur grise de ce qu'il fixait, elle, s'agrandissait et ne finissait pas. Le petit brin d'herbe l'observa plus attentivement. Elle avait des reliefs, des bosses et des creux, des lignes et des dessins, des sinuosités qui invitaient à la découverte, telle une rivière serpentant à travers les montagnes. Elle avait les teintes les plus soyeuses du gris, alliant par-ci, par-là, des touches plus sombres et même noires dans les endroits les plus profonds, agrémentées de quelques lueurs d'un brun chaud.

- Oh!! s'exclama-t-il encore. Comme c'est étrange!

Poussé en arrière par la douce pression de la brise, il leva les yeux encore plus haut, puis plus haut et ... il en tomba à la renverse!

-

- Ohhhhhhhhhhh!!!!!!!! s'écria-t-il, véritablement impressionné.

Tous les brins d'herbe, toutes les fleurs et la petite brise éclatèrent de rire. Un grand brin d'herbe près de lui, lui dit:

- Petit, ceci est un Arbre! Le plus grand de nous tous! Il est le roi du monde végétal!

L'arbre, entendant son nom, pencha la tête, découvrit le petit brin d'herbe qui le regardait, émerveillé, et éclata d'un rire tonitruant qui fit frémir son tronc, danser ses branches, valser ses feuilles et remuer toutes ses racines, soulevant légèrement la terre alentour.

- Oh! Mais que voilà! Un tout petit nouveau-né! Bonjour, petit! Que tu es si mignon avec ton vert tendre et tes petites racines sur la pointe des pieds pour découvrir le monde! Je t'appellerai Petit Brin, déclara-t-il. Moi, on m'appelle Moisson Dorée.

- Bonjour, Moisson Dorée! Comment faire pour être aussi grand que toi? demanda Petit Brin.

- C'est impossible, mon Petit Brin! car nous ne sommes pas de la même espèce, même si nous appartenons tous deux au monde végétal.

- Ah! murmura Petit Brin, dépité, mais toi, tu dois voir tellement loin! Tu dois voir tellement de choses! C'est injuste!

- Petit Brin, répondit Moisson Dorée, tu es encore tout petit! Attends un peu! Tu vas grandir et tu verras plus loin, beaucoup plus loin!

- Oui! Mais jamais aussi loin que toi! rétorqua Petit Brin, déçu.

- C'est vrai, murmura Moisson Dorée, attendri. Il réfléchit un instant puis s'exclama: Ecoute, Petit Brin, j'ai une idée! Si tu veux vraiment voir aussi loin que moi, je peux t'aider!

- Oh! Oui?! mais comment ? s'exclama Petit Brin, tout heureux.

- Attends à l'automne, tu vas grandir tout l'été et tu seras plus fort, ensuite... tu verras!

- D'accord! s'écria Petit Brin, tout heureux. Merci, Moisson Dorée!

Au doux printemps qui vit naître Petit Brin, succéda un été resplendissant de soleil. Petit Brin grandissait doucement. Il découvrit de nouveaux amis.

- Salut, Petit Brin lui dit une sauterelle

- Bonjour, Petit Brin, lui dit une autre sauterelle 

- Coucou, Petit Brin! lui sourit une magnifique libellule

- Salut Petit Brin!, lui dirent en choeur deux petites coccinelles, occupées à reproduire des jolis petits spécimens de leur espèce...

- Bonjour, Petit Brin, lui dit un papillon se reposant un instant sur une jolie fleur.

- Oh! Que tu es mignon, Petit Brin, lui dit gentiment une famille de jolies marguerites.

- C'est vrai qu'il est mignon!, salut, Petit Brin! renchérit un bouquet de pensées.

- Bonjour, Petit Brin! lui dit un magnifique lupin. 

- Bonjour! Bonjour! répondait Petit Brin, ravi. Que vous êtes belles!!

Partout autour de lui, le monde éclatait de couleurs vives, pétillantes, magnifiques.

Les oiseaux s'en donnaient à coeur joie et gazouillaient la mélodie de leur joie de savourer un si bel été.

Le temps avait passé, l'air était plus frais, certaines de ses amies fleurs étaient fanées, ses amis insectes avaient disparu, cachés dans un abri pour l'hiver. certaines feuilles commençaient à tomber du haut des arbres. 

Petit Brin avait bien grandi. Maintenant, il pouvait voir assez loin, mais c'est toujours le tronc de son ami Moisson Dorée qui le fascinait le plus. Il s'inclinait en arrière et restait des heures à l'admirer.

Il rêvait du jour où il pourrait à son tour être aussi grand que lui, voir aussi loin que lui et danser tout là-haut sur les ailes du vent.

La grosse voix de Moisson Dorée le tira de sa rêverie.

-Es-tu prêt, Petit Brin?

- Oh que oui, Moisson Dorée! s'écria-t-il se redressant de toute sa petite taille.

- Alors, accroche toi!

Petit Brin sentit la terre trembler tout autour de lui et s'agrippa de toutes ses forces. 

Avec l'une de ses racines, Moisson Dorée encercla la petite motte de terre sur laquelle était né Petit Brin et dans un grand effort, le souleva aussi haut qu'il put. La branche la plus basse de l'Arbre se pencha autant qu'elle pouvait pour aller recueillir le petit trésor soulevé de terre. La racine se relevant et la branche s'abaissant finirent par se mêler.

D'un mouvement circulaire, la racine déposa doucement la motte de terre sur la branche venue à sa rencontre. Celle-ci se redressa doucement et transmis la motte où Petit Brin, ravi, s'accrochait, à la branche plus haute et ainsi de suite jusqu'à atteindre le faîte de l'arbre.

Avec un soupir de satisfaction, Moisson Dorée replanta avec délices sa racine dans la terre et accueillit Petit Brin avec un large sourire:

- Bienvenue, Petit Brin! Te voilà rendu plus haut qu'aucun brin d'herbe avant toi ne l'a jamais été!

- Oh! Merci! Merci mille fois, Moisson Dorée! Merci pour tout! C'est... tellement beau! Tellement grand! Tellement...! Petit Brin avait peine à trouver les mots pour décrire ses émotions. Il regardait partout, émerveillé, levant les yeux au ciel, se penchant dangereusement pour voir ses amis brins d'herbe, si minuscules vus d'en-haut. Et de nouveau regardait l'immensité du ciel, encore et encore... Un oiseau venu se poser près de lui le fit sursauter. Il sourit devant l'air du petit oiseau, étonné de trouver un petit brin d'herbe si haut perché.

- Salut, Petit Brin! Tu es bien courageux d'être monté aussi haut!

- Oh tu sais, c'était facile avec Moisson Dorée! Tout seul, je n'y serais jamais arrivé! rétorqua Petit Brin.

- Regarde, Petit Brin! dit Moisson Dorée. Tout autour d'eux, les feuilles se paraient de couleur d'or et d'écarlate. Les chaudes palettes de l'automne flamboyaient partout alentour. Petit Brin, les yeux écarquillés, savourait chaque nuance, chaque reflet, chaque rayon de couleur réchauffée de soleil, que le spectacle offrait à son coeur grand ouvert.

- Comme c'est beau! murmura Petit Brin, profondément touché, comme c'est beau!

- Regarde en bas, Petit Brin! lui dit Moisson Dorée

- Ohhhhhh!!! s'exclama Petit Brin, découvrant ses amis brins d'herbe recouverts par un tapis de feuilles. Oh! répéta-t-il, mais comment vont-ils survivre?

- Ne t'en fais pas, Petit Brin, les feuilles vont les protéger pour l'hiver, ils ne risquent rien. Par contre, toi, si tu souhaites rester ici et affronter l'hiver qui s'en vient avec moi, tu risques de mourir. La terre qui te soutient va s'assécher et geler. Elle ne pourra pas te garder vivant ici. Si tu veux continuer à vivre et à pousser, il faut que je te ramène en bas.

Petit Brin était attristé de cette nouvelle mais il comprenait l'enjeu de la décision à prendre.

- Je comprends, Moisson Dorée, je crois qu'il vaut mieux pour moi retourner d'où je viens. Je te suis infiniment reconnaissant de m'avoir porté si haut. de m'avoir fait découvrir tant de merveilles. Merci, mon ami Arbre! Toi, le plus grand de nous tous, tu as su faire grandir le plus petit! Merci!

- C'est bien parce que le plus petit d'entre tous voulait être le plus grand que je l'ai fait, répondit en souriant Moisson Dorée. Je te ramène donc à ta source, petit ami, mais si tu le souhaites, dès que le gel aura fondu, dès le retour du printemps, tu pourras venir de nouveau avec moi affronter les bourrasques du vent et te réjouir d'un été éternel! D'ici là, sois assuré que je prendrais soin de toi et que mes racines t'envelopperont pour te donner de la force et t'aideront à affronter les froids qui s'en viennent.

- Oh! Oui! Moisson Dorée, je veux découvrir avec toi toutes les saisons! Mais, dis-moi, toi si haut perché, comment fais-tu pour affronter les rigueurs de l'hiver?

- C'est simple, Petit Brin! sourit Moisson Dorée, c'est la Terre qui me donne de la force et avec elle tous les petits brins d'herbe qui la parsèment et me soutiennent... C'est grâce à toi, Petit Brin, que je suis fort et vivant...